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Vladimir GOLOVANOW
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L’IMPOSSIBLE RECONCILIATION DES RUSSES BLANCS Empty L’IMPOSSIBLE RECONCILIATION DES RUSSES BLANCS

Lun 4 Mai - 15:21
Par Benoît VitkineLe 12 octobre 2017 à 06h45L’IMPOSSIBLE RECONCILIATION DES RUSSES BLANCS Imposs13

Cent ans après la révolution d’Octobre, les descendants des Russes exilés en France se déchirent sur l’attitude à adopter vis-à-vis de Moscou et du régime de Vladimir Poutine.

Des cyprès centenaires qui entourent la chapelle aux noms inscrits sur les pierres tombales, chaque parcelle du cimetière orthodoxe de Caucade, sur les hauteurs de Nice, rappelle l’ancienneté des liens entre la noblesse russe et la Côte d’Azur. Troubetskoï, Volkonsky, Tolstoï… Des princes, des comtes, des généraux d’empire, des artistes…
Dans ce lieu empreint de sérénité, la colère d’Alexis Obolensky détonne. « Nos morts et notre mémoire reposent ici. On veut nous les enlever pour une vulgaire question de prestige », s’insurge ce professeur de russe à la retraite, descendant d’une lignée princière venue en France en 1921, comme tant d’autres, dans la foulée de la révolution bolchevique et de la guerre civile entre blancs et rouges.

La rancœur de M. Obolensky, vice-président de l’Association cultuelle orthodoxe de Nice (ACOR), est à la hauteur de son long combat en faveur du cimetière et des lieux de culte russes de la ville.

Batailles judiciaires

Il n’a jamais oublié ce jour de décembre 2011 où il a dû remettre les clés de la cathédrale Saint-Nicolas aux représentants de la Fédération de Russie, reconnue par la justice française, en sa qualité d’héritière de l’empire tsariste, comme la propriétaire légitime du bâtiment. L’ACOR, qui avait la charge du lieu depuis 1923, a dû s’incliner.

L’ambassade russe avait ensuite transmis ces clés au patriarcat de Moscou. Une déchirure pour l’ancien professeur et pour bien d’autres descendants d’exilés, fidèles depuis des générations au patriarcat de Constantinople, qu’ils ont rallié autrefois pour échapper à l’emprise soviétique.

De telles batailles judiciaires entre les autorités russes actuelles et certains descendants des émigrés du XXe siècle ont eu lieu dans le monde entier, de l’Argentine à la Corée du Sud.

En France, la cathédrale de Biarritz (Pyrénées-Atlantique) est restée dans l’escarcelle de Constantinople ; à Paris, Moscou a renoncé à obtenir celle de la rue Daru (8e), choisissant à la place de faire construire la majestueuse cathédrale du quai Branly.

Partout, l’enjeu est le même : marquer le retour de la puissance russe, accréditer son rôle d’héritière des empires, le blanc comme le rouge. Partout, la Russie de Vladimir Poutine a trouvé l’appui de personnalités de l’émigration favorables à sa cause.

Cinquante nuances de blancs

A Nice, la bataille n’a pas cessé pour autant. Aujourd’hui encore, l’ACOR poursuit en justice la Russie, l’accusant de vouloir prendre possession, par des jeux d’écriture, du cimetière de Caucade et de l’église Saint-Nicolas-et-Sainte-Alexandra.

Au paroxysme de la crise, en février 2016, des représentants de Moscou étaient venus poser un cadenas sur la grille du cimetière, déclaré par une simple affichette « propriété de la Fédération de Russie ». Dès le lendemain, Alexis Obolensky avait répliqué par une autre affichette : « Bas les pattes, M. Poutine. Nous ne sommes ni en Crimée ni en Ukraine! »

Cette histoire niçoise n’a rien d’une banale querelle de clocher. Elle n’est pas non plus une « affaire immobilière », comme l’affirmait l’avocat de la Fédération de Russie en 2011. Elle est le reflet des divisions idéologiques et politiques profondes qui traversent les descendants des blancs, scindés en deux camps aux visions opposées.

« Poutine considère que tout ce qui est russe est à lui. Mais on est bien en France, notre orthodoxie est une orthodoxie française, ouverte et humble, à l’opposé de l’orthodoxie triomphante et obsédée par le rite que le régime russe a mise à sa botte », tranche Alexandra Castillon, 77 ans, descendante d’une famille de notables du tsarisme.

« Le temps des soviets est terminé »

« La Russie a démontré qu’elle était prête à s’impliquer. Elle a versé pas moins de 15 millions d’euros pour rénover la cathédrale. Pourquoi vouloir l’en empêcher ? », interroge en retour Pierre de Fermor, lui aussi issu de la haute noblesse, président de l’Association des amis de la cathédrale orthodoxe russe de Nice, constituée spécialement pour appuyer les démarches de Moscou. M. de Fermor, consultant dans l’aviation, reconnaît toutefois la dimension politique du conflit : « Constantinople a assuré une sorte d’intérim, mais celui-ci n’est plus nécessaire : le temps des soviets est terminé, la Russie est redevenue la Russie. »

« L’IDÉOLOGIE POUTINIENNE EST SI VASTE ET SI FLOUE QUE CHACUN Y VOIT CE QU’IL A ENVIE D’Y VOIR. »
MICHEL ELTCHANINOFF, RÉDACTEUR EN CHEF DE « PHILOSOPHIE MAGAZINE »

Ce schisme n’est pas entièrement nouveau. Dans les années 1920, la communauté des blancs montrait déjà sa diversité : certains étaient alors issus de l’aristocratie, d’autres non ; certains étaient tsaristes, d’autres non ; certains choisirent le patriarcat de Constantinople, d’autres le synode « hors frontières».

Ces nuances ont pris corps dans les diverses structures et associations créées par les émigrés. Chaque année, des organisations de jeunesse continuent par exemple d’organiser pour des centaines d’enfants et d’adolescents des camps d’été dans les Alpes.

Celui de l’Action chrétienne des étudiants russes (ACER) se veut porteur d’une orthodoxie libérale et ouverte, tandis que celui des Vitiaz garde la réputation d’entretenir la nostalgie de l’empire tsariste. Matin et soir, on y procède à la cérémonie de montée et descente des drapeaux – russe, français, et celui de l’association, inspiré du drapeau des volontaires blancs. Sa devise : « Pour la Russie et pour la foi. »

Retour en grâce des icônes rouges

Ces divers « courants » sont longtemps restés enfouis au sein de la communauté, estimée à quelque 30 000 membres en France. Au fil des générations, celle-ci a su maintenir une forte cohésion, entretenir sa mémoire et ses traditions.
Mais la détestation de la révolution de 1917, son principal ciment, ne suffit plus, un siècle plus tard, à donner une cohérence à des lectures divergentes de l’histoire nationale et à une appréciation tout aussi contrastée du rôle de Vladimir Poutine.

« A partir du début des années 2000, les débats ecclésiaux et la querelle des patriarcats sont devenus particulièrement vifs, parfois violents, au sein même des familles. Puis ils ont peu à peu débordé sur des querelles plus politiques », relate Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine, dont le grand-père fut prêtre à la cathédrale niçoise.

Le discours ultra-conservateur promu ces dernières années par Moscou, ainsi que la mise en scène spectaculaire de son alliance avec l’Eglise ont séduit une partie de l’émigration, mais pour les rétifs, celle-ci rappelle seulement la soumission du patriarcat au KGB durant la période soviétique.

Sans compter que le Kremlin n’hésite pas, dans sa volonté de réconciliation nationale, à faire la part belle aux icônes rouges. Signe ultime de ce retour en grâce, une statue de Staline a ainsi été inaugurée en septembre dans le centre de Moscou. D’autres l’avaient précédée ailleurs dans le pays.

« Staline incarne le goulag, mais aussi la victoire lors de la seconde guerre mondiale et le maintien de l’empire, note Michel Grabar, un autre descendant de l’aristocratie, responsable du Conseil de coordination du forum des Russes de France, une organisation proche du pouvoir. Dans notre communauté, l’attachement à cette composante impériale est très important. » S’il regrette le « manque d’élégance » des méthodes employées à Nice, cet universitaire et consultant international, qui fait des affaires notamment avec la Russie, estime que les Russes de l’émigration ont « une responsabilité vis-à-vis des intérêts nationaux du pays ».

Lune de miel avec l’émigration

« L’idéologie poutinienne est si vaste et si floue que chacun y voit ce qu’il a envie d’y voir, note Michel Eltchaninoff, né pour sa part dans une famille proche de la tendance ACER. Chacun y projette ses propres valeurs, son propre attachement à une Russie souvent mythifiée. »

Autrement dit, explique le philosophe, certains des blancs voient en Poutine un président aussi fort qu’un empereur russe du XIXe siècle. Ceux-ci ont fermé les yeux sur la réhabilitation rampante du stalinisme et de l’Union soviétique (URSS). Pour les autres, Poutine est d’abord un héritier du soviétisme, qu’il mâtine certes de nationalisme et de religion, comme Staline l’avait d’ailleurs fait, mais qui demeure un ennemi de la démocratie et des libertés individuelles. « A leurs yeux, il restera toujours un agent du KGB », résume M. Eltchaninoff.

Les clivages sont d’autant plus marqués que le Kremlin s’emploie depuis des années à séduire les communautés russes de l’émigration, blancs en tête. Les détenteurs des noms les plus prestigieux ont été invités à Moscou, où certains se sont vu proposer des facilités pour acquérir des appartements ou trouver des emplois.

Surtout, des signaux forts leur ont été envoyés : béatification de Nicolas II, transfert au pays de la dépouille du général blanc Anton Dénikine, visite de l’ex-KGBiste Vladimir Poutine à l’écrivain du goulag Alexandre Soljenitsyne…

En 2003, la diffusion à la télévision russe d’une série de sept films sur l’émigration blanche, réalisés par le célèbre Nikita Mikhalkov, illustre cette lune de miel. Les derniers plans montrent une réception à la résidence de l’ambassade russe à Paris : de vieux descendants des blancs côtoient des Russes post-soviétiques devant l’écran de télévision. Tous regardent Poutine déclarer, au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) : « Nous ne devons pas oublier que nous sommes les enfants d’une seule mère, la Russie. »

Sept ans plus tard, le rapprochement sera formalisé par une loi offrant aux descendants d’émigrés un statut vague de « compatriotes ».

Veillée funèbre entre blancs et rouges

Ces gestes ne vont pas sans contreparties. La plus spectaculaire fut la lettre signée par plus de 400 grands noms de l’aristocratie émigrée, fin 2014, au plus fort des tensions internationales provoquées par l’annexion de la Crimée par Moscou et la guerre dans l’est de l’Ukraine. « Solidaires de la Russie », les signataires, majoritairement français, dénoncent alors « l’extermination programmée des populations du Donbass et la russophobie délirante ». Parmi eux, MM. Grabar et de Fermor, mais aussi la plupart des personnalités s’affichant comme soutiens de l’Association des amis de la cathédrale orthodoxe russe de Nice. Un texte loin d’avoir fait l’unanimité au sein de la communauté…

« Une telle initiative, menée par des noms prestigieux de la noblesse, vise principalement le public russe, estime l’universitaire Cécile Vaissié, auteure des Réseaux du Kremlin en France (Les Petits Matins, 2016). Elle sert à appuyer le discours du Kremlin sur une histoire russe qui mélange Russie prérévolutionnaire et URSS. Mais Moscou sait aussi que ces gens ont une audience dans leur pays de résidence, où ils jouissent d’une légitimité, réelle ou supposée, sur la Russie. » Selon Cécile Vaissié, cette pratique rappelle les années 1920 et 1930, quand les services soviétiques infiltraient les réseaux émigrés pour les faire revenir au pays et les arrêter aussitôt.L’IMPOSSIBLE RECONCILIATION DES RUSSES BLANCS Poutin12


Le 21 octobre, à Paris, cette fois, une timide tentative de réconciliation entre descendants des blancs et des rouges aura lieu, précisément sur le thème brûlant de la guerre civile. Ce jour-là, dans l’enceinte de la cathédrale de la rue Daru, une veillée funèbre est prévue en mémoire de « toutes les victimes » de cette période. Elle réunira des représentants des patriarcats de Moscou et de Constantinople.

Benoît Vitkine, journaliste du "Monde" spécialisé sur la Russie (http://www.lemonde.fr/journaliste/benoit-vitkine/)

https://www.lemonde.fr/international/article/2017/10/12/l-impossible-reconciliation-des-russes-blancs_5199696_3210.html
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