UNE SYNAXE PANORTHODOXE SUR L'UKRAINE À AMMAN LE 26 FEVRIER

Le porte parole du patriarcat de Moscou à confirmé le 14 février à Interfax qu'une réunion des primats et représentants des Églises orthodoxes aura lieu à Amman (Jordanie) le 26 février, "pour traiter de la situation de l'Orthodoxie en Ukraine", sans pouvoir toutefois préciser quelles Églises seront présente. À ce jour, outre le patriarche de Jérusalem, organisateur de la réunion, le patriarcat de Moscou a confirmé sa participation (probablement le patriarche Cyrille en personne), ainsi que les Église de Serbie (avec le patriarche Irénée), de Pologne et de Roumanie.
Source: http://www.interfax-religion.ru/?act=news&div=74263

Notons que lors de sa dernière réunion, le synode du patriarcat de Roumanie avait proclamé exprimé la nécessité  "d'une compréhension mutuelle entre le Patriarcat œcuménique et le Patriarcat de Moscou, ainsi qu'un consensus orthodoxe général" pour accorder l'autocéphalie à toute l'Eglise en Ukraine et non d'une partie de celle-ci...



La réunion de ce sommet, premier pas vers une solution de la crise ukrainienne, est incontestablement une réussite diplomatique du patriarche de Jérusalem Théophile III, qui avait lancé les invitations lorsqu'il se trouvait à Moscou le 21 novembre 2019. (https://foma.ru/patriarh-ierusalimskij-feofil-iii-prizval-pomestnye-czerkvi-obsudit-v-iordanii-sohranenie-edinstva-pravoslaviya.html)

Cela semble plutôt mal parti: informations disponibles à 8 jours de la synaxe,

- 5 Églises d'un côté: les Églises de Jérusalem, Serbie et Moscou seront représentées par leurs primats, Pologne et Roumanie enverrons des délégations...
- 4 n'irons pas: Constantinople, Grèce, Alexandrie et Albanie ne participerons pas ...
- 6 ne semblent pas avoir pris position à ce jour: Antioche, Bulgarie, Chypre,Géorgie, Terres tchèque et slovaque, et OCA.

- Antioche rejoint les Églises de Jérusalem, Serbie, Pologne et Roumanie à Amman ...
- Les Églises de Chypre et de Géorgie n'iront pas, avec Constantinople, Grèce, Alexandrie et Albanie ...
-  Bulgarie et Terres tchèque et slovaque ne semblent pas avoir pris position à ce jour. L'OCA n'étant pas reconnue autocéphale par Jérusalem n'a probablement pas été invitée...


La décision des différentes Églises de participer ou non montre d'une part leur position vis à vis de la volonté de Constantinople de prendre une position dominante dans l'Orthodoxie ("papisme oriental") et d'autre part leur crainte de donner trop d'importance à Moscou, qui profite déjà de sa puissance politique et matérielle pour s'imposer ...

Certaine sources indiquent que Constantinople aurait accepté de participer si le primat de l'Église de Kiev non reconnue par la majorité des Églises avait été invité... Il est clair que cette exigence n'est pas acceptable pour les organisateurs de la rencontre.

À l’initiative du patriarche de Jérusalem, un sommet des primats des Églises orthodoxes doit se tenir à partir du 25 février en Jordanie pour tenter de sortir de la crise ukrainienne. Mais l’absence de plusieurs patriarches, dont celui de Constantinople, atténue la portée de l’événement et laisse le monde orthodoxe dans l’impasse.

Le 24/02/2020, le jeune chef de rubrique du quotidien "La Croix", Arnaud Bevilacqua, analyse la situation de crise où se trouve l'Orthodoxie après la rupture de communion du patriarcat de Moscou avec Constantinople qui fracture le monde orthodoxe depuis le 15 octobre 2018. Cette décision faisait suite à la fondation par ce dernier d'une Église "autocéphale" en Ukraine en fusionnant deux ecclésioles jusque-là non reconnue canoniquement. Cela créa de fait une juridiction parallèle à l'Église d'Ukraine, autonome au sein du patriarcat de Moscou et unanimement reconnu jusqu’alors…

En visite à Moscou, le patriarche de Jérusalem Théophile III lança le 21 novembre 2019 une proposition de conciliation: un sommet des primats des Églises orthodoxes à Amman (Jordanie) pour tenter de trouver une issue à cette crise: « Nous voudrions accueillir chez nous, en tant que Patriarcat de Jérusalem, nos frères, les Primats de l’Église orthodoxe, pour qu’ils se rassemblent dans un esprit de communion (…) afin qu’une décision soit prise ensemble pour la préservation de notre unité dans la communion eucharistique », avait-il expliqué.

UN "SOMMET" CONTESTÉ

Ce sommet doit se tenir du 25 au 27 février mais il a buté sur le refus catégorique du patriarche de Constantinople Bartholomé Ier; arcbouté sur sa conception de la prééminence du Patriarcat œcuménique, il dénonce une « initiative sans précédent dans l’histoire de l’Église orthodoxe ». Les primats d’Alexandrie, de Grèce, de Chypre, d’Albanie, de Géorgie, de Bulgarie, d’Antioche déclinent l’invitation du patriarche de Jérusalem et il n'y aura donc finalement que les primats de Moscou, Serbie et Terres tchèques et Slovaquie qui y participeraient avec que des délégations des Églises de Pologne et de Roumanie, mais leur présence demeure encore incertaine car, de toute évidence, ce "sommet" n'en est plus un!

UNE RENCONTRE POUR « INITIER LE DIALOGUE »

Le patriarche de Jérusalem parle maintenant d'une « rencontre fraternelle destinée à initier le dialogue sur les défis que la communauté orthodoxe affronte en cette période critique,» et les théologiens orthodoxes sont plustôt sceptiques: si pour commente le père Jivko Panev, (maître de conférences à l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge à Paris et rédacteur en chef du portail d’information Orthodoxie.com) «toute tentative d’œuvrer pour l’unité est positive et préférable à cette situation d’attente », Nicolas Kazarian (chercheur associé à l’Iris et spécialiste du monde orthodoxe) se montre moins optimiste: « Ce qui devait être un concile se transformera en une simple réunion, de laquelle ne sortira que peu de choses : peut-être un communiqué pour expliquer les raisons de l’impossibilité à reconnaître l’Église orthodoxe d’Ukraine», pense-t-il. Évoquant le « véritable souci quant à l’unité de l’orthodoxie » du patriarche Théophile III, il souligne les liens forts entre le Patriarcat de Jérusalem et celui de Moscou, notamment via le flux de pèlerins russes en Terre sainte et conclu: « Il me semble que c’est parce que les dés sont jetés d’avance que de nombreuses Églises ont décidé de ne pas se rendre en Jordanie … En revanche, si le somment a bel et bien lieu, cela permettra d’évaluer l’influence russe dans la région et auprès des différentes Églises ».

« IL FAUT REVENIR À L’ESSENTIEL » dit le père Jivko Panev

« Le problème n’est pas géopolitique, comme on le résume trop facilement, mais concerne la question de la primauté du Patriarcat œcuménique. » Ce dernier défend son statut de primus inter pares (premier parmi les pairs) quand Moscou affiche sa puissance renaissante après l’ère communiste précise le théologien. Pour le théologien et historien Jean-François Colosimo la crise remonte au concile panorthodoxe de Crète en juin 2016 auquel Moscou avait refusé de participer avec trois autres Église et pour Yves Hamant, professeur émérite des universités, expert de l’orthodoxie et de la Russie « Les crispations entre Moscou et Constantinople sont telles que la situation peut durer très longtemps ». Mais « La reconnaissance de la légitimité de l’Église orthodoxe d’Ukraine par d’autres Églises autocéphales suit un cheminement historique qui passe à la fois par les principaux sièges patriarcaux, mais aussi par le Mont Athos, dont les principaux abbés se rendent progressivement à Kiev et apportent leur soutien au métropolite Épiphane… Le Patriarcat œcuménique ressortira renforcé de cet épisode, malgré les conditions politiques inconfortables dans lesquelles il se trouve,» soutient-il. Une conviction loin d’être partagée à Moscou qui dénonce une primauté qui tendrait à copier l’organisation de l’Église catholique.

D'après https://www.la-croix.com/Religion/Orthodoxie/Crise-ukrainienne-monde-orthodoxe-toujours-limpasse-2020-02-24-1201080102

Les primats et délégués des six Églises présentes à Amman ont décidé de prolonger ce type de consultations et, en particulier, de se revoir avant la fin de l'année... Notons la participation du primat de l'Église d'Ukraine (MP), le métropolite de Kiev Onuphre.
https://tass.ru/obschestvo/7847521

"Orthodoxie.com" publie en français:

- La Déclaration finale publiée à l’issue de la « rencontre fraternelle » d’Amman. 27 février 2020 par Yannick Provost, (https://orthodoxie.com/declaration-finale-publiee-a-lissue-de-la-rencontre-fraternelle-damman/)

- Le Compte-rendu du Patriarcat de Moscou sur la réunion d’Amman rédigé par le Département des affaires extérieures du Patriarcat de Moscou. 27 février 2020 par Jivko Panev, https://orthodoxie.com/compte-rendu-du-patriarcat-de-moscou-sur-la-reunion-damman/

Conclusion du communiqué: "Les délégations ont convenu qu’elles devraient se réunir comme des frères, de préférence avant la fin de cette année, afin de renforcer les liens de fraternité par la prière et le dialogue. Les participants espèrent que Sa Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomée, avec son rang d’honneur reconnu (πρεσβεία τιμήs), se joindra à ce dialogue au côté de ses frères Primats.

Les délégations ont répondu à l’appel de leur frère le patriarche Théophile III afin d’organiser une prière pour le monde, pour la fin de la guerre, de la maladie et de la souffrance, et pour tous les chrétiens ainsi que pour l’unité de l’Église orthodoxe. Cette prière doit se tenir dans l’Église Mère, l’Église de la Résurrection (Saint Sépulcre) à Jérusalem, devant le Saint Tombeau du Christ, depuis lequel Il est ressuscité et proclame la paix au monde."