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Didier VEILLAT
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Le Père Paul Florensky et l'Amulette de Pascal Empty Le Père Paul Florensky et l'Amulette de Pascal

Lun 13 Jan - 10:54
Dans un article de 1915, le Père Paul Florenski fait une approche de la fameuse « Amulette » du philosophe et savant Blaise Pascal (1623-1662). Il est important de noter le caractère « expérimental » personnel du texte de Pascal : pas de théorie, pas de spéculation, juste le feu dévorant de la grâce soumise au doute de l’épochè, du scepticisme absolu. Ce texte récuse les propres démarches intellectuelles de Pascal et constitue en occident la plus puissante expérience mystique rapportée par un philosophe ; il s’oppose par nature à la raison cartésienne de son contemporain René Descartes (1596-1650). Je livre ici ce texte. Les parties en italiques sont de Pascal.

Le Père Paul Florensky et l'Amulette de Pascal Pascal10

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Père Paul Florenski : « l’Amulette de Pascal »

Après la mort de l'un des hommes les plus sincères qui aient vécu sur terre (on a deviné que je parle de Blaise Pascal), on trouva dans la doublure de son pourpoint un petit parchemin qu'il avait soigneusement conservé. Il a été publié pour la première fois par Condorcet sous le titre, très impropre, d'« amulette mystique ». Cette note date de l'époque, voire de l'instant où eut lieu la «conversion » de Pascal : elle présente sa profession de foi ou, plus exactement, une méditation en prière de certains moments de son élévation spirituelle. Il y a eu maintes controverses sur cette «amulette », assez peu conclusives. Une telle carence s'explique par une trop grande simplification de cet écrit qui contient un condensé de vie, le raccourci d'une conception du monde, si serré que ses différentes propositions sembleraient n'en être qu'une accumulation incohérente. Je crois néanmoins que les idées que j'ai développées dans cet ouvrage-ci, ainsi que la théorie de la croissance des types, fournissent la clef de ce document au contenu très riche et très significatif. Je m'en tiendrai pour l'instant presqu'à cette seule allusion pour en revenir plus tard à l'« Amulette » de Pascal. En voici le texte authentique, qui fait comprendre beaucoup de choses par lui-même ; je n'y ajoute que quelques brefs éclaircissements.

"L'an de grâce 1654"

(Pascal souligne qu'il vit sous la grâce, c'est-à-dire dans des conditions qui permettent de résoudre l'épochè. D'autre part, le sens mystico-arithmétique de l'année de la conversion est remarquable : (2²)² = 7)*.
« Lundi, 23 novembre, jour de saint Clément, pape et martyr, et autres au martyrologe,
Veille de saint Chrysogone, martyr, et autres,
Depuis environ dix heures et demie du soir jusques environ minuit et demi, »

(Cette précision de la date indique que la plénitude de la connaissance qui se découvre à Pascal n'était point rêverie ni confus pressentiments presque impossibles à dater à cause de leur caractère inconsistant et qualitativement indiscernable du contenu habituel de la conscience, mais que c'était un phénomène aux contours précis et sans doute qualitativement nouveau, situé en dehors des processus habituels de la conscience).
« Feu. »
(Certes, le feu du doute, celui de l'épochè : durant deux heures, Pascal a connu l'angoisse du feu de la géhenne ; et alors, après cette épreuve par le non-être, Celui qui est s'est découvert à lui).
« Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob,
non des philosophes et des savants. »

(La vérité est une Personne, qui se manifeste historiquement, et non pas un principe abstrait ; en d'autres termes, la Vérité est non pas chosale, mais personnelle).
« Certitude, Certitude. Sentiment. Joie. Paix. »
(La certitude, et donc la résolution de l'épochè, sont dans la rencontre avec le Dieu-Vérité ; cette certitude-là donne la satisfaction au sentiment la joie et la paix ; à savoir : Dieu satisfait au critère de la vérité).
« Dieu de Jésus-Christ. »
(Dieu de Jésus-Christ est justement la Vérité, l'Unité Trine, car seul le Christ a annoncé la Trinité).
« Deum meum et Deum vestrum ».
(Mais notre Dieu n'est pas Celui de Jésus-Christ, car je ne suis pas consubstantiel à la Vérité, tandis que le Christ l'est).
«Ton Dieu sera mon Dieu ».
(Par le Christ, je serai mis en communion avec la vie du Tri-unique et la Vérité devient mon Dieu).
« Oubli du monde et de tout, hormis Dieu. »
(Alors, je serai « non pas du monde », j'oublierai le périssable, je m’en libérerai métaphysiquement, je serai éternel).
« Il ne se trouve que par les voies enseignées dans l'Evangile. »
(La voie vers la lumière de la Vérité est l'ascèse, l'organisation du cœur)
« Grandeur de l'âme humaine. »
(Sur la voie de l'ascèse, l'aspect éternel de la personne créée, la Sophie devient perceptible).
« Père juste, le monde ne t'a point connu, mais je t'ai connu ».
(Par ma sagesse, alors que le monde n'a pas connu le Père par la sienne. je L'ai connu, en méditant sur mon être purifié, dans le Seigneur Jésus-Christ).
« Joie, joie, joie, pleurs de joie. »
(Dans la connaissance de Dieu par le cœur purifié, il y a une joie une béatitude surabondantes, débordantes).
« Je m'en suis séparé : »
(Mais la révélation cesse, cette joie n'est qu'un gage de la joie future ; elle n'est pas un sentiment permanent. La joie passe, l'incertitude et l'angoisse paraissent).
« Dereliquerunt me fontem aquae vivae ».
(« Ils m'on abandonné, moi, source d'eau vive » : c'est comme la réponse de Dieu à l'interrogation : «voilà l'explication du sentiment d'angoisse »).
« Mon Dieu, me quitterez-vous? »
(C'est-à-dire : « Toi, Tu ne me quitteras pas, pourvu que je ne Te quitte point »).
« Que je n'en sois pas séparé éternellement. »
(Par un acte intérieur, je me décide : m'attacher à Dieu).
« Cette [vie] est la vie éternelle, qu'ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui tu as envoyé, Jésus-Christ».
(A partir de ce moment, commence la vie de la conscience habituelle. Il est question de ce qui est nécessaire, puis, de la non conformité du droit et de l'actuel).
« Jésus-Christ.
Jésus-Christ.
Je m'en suis séparé ; je l'ai fui, renoncé, crucifié.
Que je n'en sois jamais séparé.
Il ne se conserve que par les voies enseignées dans l'Evangile. »

(Ici est déterminé comment ne pas s'éloigner de Jésus-Christ, puis sont indiqués les moyens de s'organiser soi-même).
« Renonciation totale et douce. »
(Refus de l'aséité, ascèse).
« Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur. »
(Obéissance au starets).
« Eternellement en joie pour un jour d'exercice sur la terre. »
(Pensée des biens futurs).
« Non obliviscar sermones tuos . Amen. »
Ainsi, l'« amulette » de Pascal est comme le programme d'un système de philosophie religieuse ; c'est tout un cycle de pensées qui sont passées avec une rapidité extraordinaire devant la conscience de Pascal, dans une illumination qui a duré près de deux heures. Peut-être ses Pensées sur la religion sont-elles des esquisses pour réaliser ce plan-là. L'on sait que les notes des Pensées ont été trouvées après sa mort en désordre complet et leur disposition habituelle n'est pas de l'auteur, elle est celle des premiers éditeurs. On a essayé de les mettre dans un autre ordre qui correspondît mieux au dessein de Pascal. Il conviendrait cependant et il serait opportun de tenter de les ordonner selon l'«amulette », et je me permets d'exprimer le pressentiment que des trésors faciles d'accès attendent le chercheur dans cette voie.
Je voudrais aussi rappeler que Pascal a une certaine parenté avec l'orthodoxie et que ce n'est pas par hasard qu'A. Khomiakov « appelait souvent Pascal son maître ». Cela nous impose de porter une grande attention à ce profond penseur français.

Père Paul Florensky

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Référence:
"L'Amulette de Pascal" édité par l'Age d'Homme en 1975 et réédité en 1994 avec d'autres ouvrages du Père Paul Florensky, dont le fameux livre en douze lettres "La Colonne et le Fondement de la Vérité" (Essai d'une Théodicée). L'ouvrage est toujours en vente et je ne saurais trop conseiller au lecteur de se le procurer ici avant qu'il ne devienne introuvable: https://www.librairiedialogues.fr/livre/673859-la-colonne-et-le-fondement-de-la-verite-essai--floresnky-pere-paul--age-d-homme.

Le Père Paul Florensky et l'Amulette de Pascal Floren15

*: [Remarque: en fait le résultat de (2²)²  est 16, mais 1+6 = 7. L'an 1654, donne, par 1+6+5+4, 16, donc, par 1+6, 7. Le Père Paul montre que 7 est assimilable à 2 (la dualité) élevé trois fois (l'eschatologie, le chemin vers la Trinité, le Christ). Le Père Paul était un grand mathématicien. Il n'était pas un ésotériste ou autre - On reconnaît une  certaine parenté intellectuelle entre le Père Paul et Blaise Pascal et on comprend aisément que le génie du Père Paul ait pu trouver de grandes correspondances avec cet autre génie qu'est Pascal, même si le lecteur avisé comprendra que la doctrine de la grâce de Pascal n'est pas orthodoxe - D. Veillat]
Didier VEILLAT
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Le Père Paul Florensky et l'Amulette de Pascal Empty Les trois ordres chez Pascal et quelques conséquences de son approche.

Dim 19 Jan - 9:55
Pour Pascal, il existe trois ordres : l’ordre du corps, l’ordre de l’esprit et l’ordre de la charité.

L’ordre du corps est le plus bas (dans un sens non péjoratif) et le plus puissant donc le plus dangereux; il fait obéir l’ordre de l’esprit ou celui de la raison si l’on préfère, et celui de la charité. Entre l’ordre des corps et celui de l’esprit, les sous-ordres de la psyché et du mental font obéir la raison à l’ordre du corps. C’est ainsi que l’on choisit raisonnablement (et en se trompant), la propriété avant l’esprit et qu’ensuite on justifie la propriété par l’esprit, par la raison. Dialectiquement et affectivement, c’est en général imparable; on appelle cela le besoin : « j’ai besoin parce que… ». Ainsi, le besoin est une sorte d’affect. Il se tourne volontiers vers l’ordre de la charité, mais c’est un mensonge, une chose imaginaire : le moi (dont Pascal dit avec raison qu’il est haïssable).

L’ordre de l’esprit est celui, non pas de la raison rationnelle, mais du logos, c'est-à-dire de la parole créatrice. Si l’ordre de l’esprit ne crée rien, il n’est rien. Ou bien, une justification de l’ordre des corps par le besoin, ou bien une justification de l’ordre de la charité selon l’ordre de la charité. Mais que peut-donc créer l’ordre de l’esprit? il crée l'ordre du corps qui se possède comme liberté de nature, et active l’ordre de la charité qui s’engage comme liberté divine reçue d'en-haut (la grâce).

Enfin, l’ordre de la charité est celui qui devrait être la cible spirituelle de l’être, le péché étant la cible manquée par les justifications dont je parle dans le paragraphe précédent. De cet ordre, on ne peut à peu près rien dire parce qu’il se vit par la grâce de Dieu qui entre en nous si nous abandonnons nos justifications. Pour le reste, l’ordre de la charité est le Mystère du Royaume et nous n’y accédons pas par nous mêmes: nous y sommes invités, il accède à nous. Sous condition d'un silence de l'ordre du corps et de l'ordre de l'esprit comme raison.

Les trois principaux ordres sont inséparables ; il ne faut ni les galvauder, ni les confondre, ni les ignorer, ni les séparer. C’est un peu là-dessus que Descartes s’est trompé : il les a séparés en catégories sans relations dynamiques entre elles et a centralisé sa conclusion sur le deuxième ordre : celui de l’esprit, de la raison : Cogito ergo sum. C’est un peu léger, même si c’est séduisant. Pour être, il faut autre chose que de la pensée, il faut du donné. C’est le péché du siècle depuis les Lumières que de l’avoir proprement et systématiquement ignoré et de continuer à le faire de plus belle.

L’accès à l’ordre de la charité ne se fait que par la voie du premier ordre ecclésial, le premier ordre créé : l’ordre du service qui est un sous ordre de l’ordre de la charité (où je disais plus haut que l’ordre des diacres est le premier – à ne pas prendre au sens séculier, mais au sens spirituel. Chaque être est diacre des autres).

Au cours de l'existence, il est nécessaire de suivre le chemin difficile du service ; non pas du silence obéissant, mais bien du service et non de l’exécution pure. C'est dans le service qu'a lieu l'obéissance et non dans l’exécution. Quand le Maître demande un travail à ses serviteurs, il entend toujours que le service rendu porte des fruits, c'est à dire que le service soit une assomption de l'autorité qu'il contient. Le service est le seul auteur des choses vraies de ce monde, et de ce fait a autorité sur les récipiendaires du service. Or ce n’est pas ce qui se passe en réalité ; au service a été substitué le pouvoir qui est une perversion du service, la domination de l’ordre du corps sur celui de la charité, surtout quand il se justifie par le besoin, la propriété etc. Le premier point qui est important est pourtant, bien celui-ci : le service a l’autorité. Certes, on reproche « son » autorité à celui qui est auteur du service. L’autorité ne consiste pas à être obéi, mais est l’obéissance aux besoins des autres selon un principe fondamental : celui du discernement d’où vient l’autorité. Le serviteur ne demande jamais à être servi. Mais il a autorité, laquelle est souvent confondue avec le pouvoir. Cette autorité serviable est la part affirmative du service (on la confond bien souvent avec la morale qui pourtant est au contraire, mais c’est une autre affaire…). C’est au nom du service ultime que le Christ a autorité par Sa Parole créatrice ; c’est pourquoi dans l’Evangile on croise souvent un Christ qui donne la leçon, non pas par pouvoir mais comme enseignement (de ce point de vue, l’Evangile ne se présente pas toujours comme une parole pacifiante alors qu’Il contient toutes les prémisses de la paix véritable). Ainsi, une autorité: le Christ.

Le service est de l’ordre de la charité qui est l’ordre le plus élevé et a donc l’autorité ; quand tu mets tes pas dans ceux du Christ, tu participes à Son service et à Son autorité ; ce pourquoi tu es bien membre de ce Corps de la Charité.
Cependant la demande de service s’organise souvent en une forme de perversion du service au nom du besoin superflu qui se présente comme un besoin premier et que l’on confond plus ou moins consciemment avec la nécessité... pour s’arranger. Ainsi, paradoxe, l’ordre des affects et l’ordre des besoins, c'est-à-dire l’autorité du sentiment et l’autorité du corps, prennent systématiquement la place de l’ordre du service qui seul détient la véritable autorité en tant qu’auteur réel: puissance identificatrice des passions… Dès lors, qui assume l’ordre du service ? On ne répond jamais à cette question parce qu’elle passe au dernier plan. Du moment que cela fonctionne, on n’en tient aucunement compte dans les ordres qui pourtant se déroulent sous nos yeux aveugles. Pourquoi ? Parce que le besoin et l’affect dominent sous leur aspect victimaire, comme des nécessités et comme de l’amour ; si cet amour nécessaire était une vérité, il y aurait quotidienneté et paix. C’est le sens même de la participation à l’Eglise; s’il n’y a pas quotidienneté recherchée, c’est que cet amour n’est pas nécessaire, qu'il n'est en réalité pas de l'amour, qu’il y a faux semblant. Pourtant, je me répète, si le service doit être rendu par un tiers, c’est le tiers qui a autorité. Ce que personne alors n’accepte. S’il ne l’a pas, l’ordre des choses est détruit et le serviteur s’en va. Il ne faut pas s’attendre à autre chose. Un bon serviteur n’est pas un bon exécutant, cela n’a rien à voir.

Que se passe-t-il malgré tout? Une fois le service accompli, rendu et assumé, il faudrait se maintenir dans l’exécution, cette forme d’esclavage que l’on entend comme un service à rendre ? Certes non ! C’est une faute devant l’ordre de la charité parce qu’il justifie les besoins et les affects, ces passions basses et trompeuses de la réalité. On me dira bien sûr que le serviteur a choisi ; oui, il a choisi. Cela infirme-t-il l’ordre des choses ? Certes non ! Au contraire, cela le confirme. Voilà pourquoi, tout serviteur a autorité sur son service et sur son choix aussi. Mais avec discernement. Si le serviteur doit obéir aux besoins et aux affects, il perd son service, il perd son autorité, et quitte le service. Il s’agit là d’une conséquence naturelle et pédagogique du service dans le discernement. Ainsi, service et discernement sont inséparables dans les trois ordres.

Didier Veillat
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